Imaginez une grande ville où, un beau matin, tous les mendiants feraient grève. Pas de collecte, pas de sollicitation culpabilisante, pas de mendicité jusqu'à nouvel ordre. On aurait tendance à penser "Pas de quoi fouetter un chat !", "quel intérêt ?", "bon débarras !", "bof !". En fait, de ce côté de la Méditerranée, il est fort probable qu'on ne s'en rendrait pas compte.
Cependant, le contexte est un élément majeur puisque l'initiative se déroule à Dakar en terre musulmane. L'aumône (la zakat) est un pilier de l'Islam. C'est donc cette situation surréaliste qu'Aminata Sow Fall nous décrit – à savoir une ville où les habitants sont obligés de faire des kilomètres pour faire leur aumône ou leur sacrifice pour les mendiants – dans son roman devenu un classique des lettres africaines, j'ai nommé La grève des bàttu.